Les jeunes enfants dans les structures d'éducation et d'accueil de la petite enfance et leur chemin vers un Bilinguisme Harmonieux
Une série d'articles de HaBilNet, le Réseau de Bilinguisme Harmonieux
Das Kita-Handbuch (en ligne, OA), Martin R. Textor & Antje Bostelmann (éd.), au cours de l’année 2021. De nombreuses idées contenues dans l’article ci-dessous ont déjà été exprimées lors de plusieurs conférences et ateliers qu’Annick De Houwer a donnés dans toute l’Europe à partir de 2013 et qui ont jeté les bases d’un article allemand publié dans le Das Kita-Handbuch avec Mareen Pascall comme co-auteure. Cet article est une adaptation profonde et une extension.
La nécessité d’une approche respectueuse vers les langues dans les dispositifs d'éducation de la petite enfance
Introduction
Dans les établissements d’éducation préscolaire, de plus en plus de groupes sont constitués d’enfants d’origines linguistiques et culturelles très diverses. De nombreux enfants arrivent à la crèche ou à l’école maternelle en connaissant une autre langue que celle de l’établissement. Plus nombreux encore sont les enfants qui connaissent à la fois la langue institutionnelle et une autre langue. De nombreux enfants ne connaissent également que la langue institutionnelle. Tous ces enfants ont besoin d’une chance équitable d’apprendre. Pour cela, ils doivent se sentir à l’aise et en sécurité. La plupart des établissements d'éducation de la petite enfance (EPE), c’est-à-dire les crèches et les écoles maternelles ignorent les origines linguistiques des enfants. Au lieu de cela, l’accent est généralement mis sur la seule langue utilisée dans le système éducatif local (ci-après : la langue de l’école, même si la crèche ne fait généralement pas partie du système scolaire formel ; dans certains cas, il peut y avoir plus d’une langue de l’école). Comme expliqué ci-dessous, cette attention exclusive portée à la langue scolaire ne sert pas les intérêts des enfants et ne contribue pas à leur bien-être ou à une intégration sociale solide. La question est de savoir comment nous pouvons faire en sorte que tous les enfants se sentent à l’aise et en sécurité dans l’EPE. Une approche éducative qui prend activement en compte les langues de tous les enfants est une condition indispensable pour atteindre cet objectif.
Cet article présente quelques mesures concrètes permettant la mise en place d'une approche respectueuse des langues, c’est à dire, une approche bienveillante à l’égard de toutes les langues des enfants. Il est important de mentionner dès le départ qu’une telle approche peut être mise en œuvre quand bien même le personnel éducatif ne parle que la langue de l’école. Examinons tout d’abord ce que les enfants peuvent vivre lorsqu’ils entrent dans l’EPE.
Les expériences liées à la langue dans des établissements d'éducation de la petite enfance (l’EPE) peuvent ne pas être positives
Les enfants sont tout à fait capables d’apprendre très bien deux langues ou plus. Contrairement à certains mythes, un environnement bilingue n’est pas une menace pour les enfants. Cependant, les enfants ont besoin de temps pour bien apprendre une langue. La rapidité et la qualité de l’apprentissage des langues par les enfants bilingues dépendent de nombreux facteurs, notamment de la manière dont la langue est abordée dans l’EPE et de l’attitude des éducateurs à l’égard de la diversité linguistique. Après tout, les crèches et les écoles maternelles sont les premiers contextes sociétaux dans lesquels des enfants d’origines diverses se retrouvent en dehors de leur sphère familiale, et ce à un moment de leur vie qui est tout à fait fondamental pour leurs années ultérieures. Le personnel d’accueil et d’enseignement de la petite enfance a donc une grande responsabilité sociale (qui, malheureusement, est souvent insuffisamment reconnue ou rémunérée par la société dans son ensemble). La manière dont le personnel d’accueil et les enseignant(e)s abordent les antécédents linguistiques des enfants est d’une importance cruciale. Est-ce que l’on considère la diversité linguistique des enfants comme une ressource ou comme un problème ? Connaît-on la situation langagière des enfants ?
La manière dont le personnel de l’EPE aborde le contexte linguistique des enfants peut avoir des conséquences considérables sur le bien-être des enfants. Des études portant sur des enfants qui n’entendent pas ou n’utilisent pas la langue de l’école à la maison ont montré ce qu'il se passe lorsque les différentes langues parlées à la maison par les enfants ne sont pas prises en compte dans l’éducation de la petite enfance. Des exemples provenant de différents pays montrent à quel point ce manque d’attention peut être dévastateur. Par exemple, Dahoun (1995) en Algérie et en France et Manigand (1999) en France expliquent comment les enfants qui arrivent à l’école maternelle sans comprendre la langue de l’école et dont la langue maternelle n’est pas prise en compte se réfugient dans un silence déprimé qui peut durer des années. Drury (2007) et Thiersch (2007), respectivement au Royaume-Uni et en Allemagne, ont montré la même chose (voir les exemples 1 et 2 dans les encadrés suivants pour plus de détails).
A propos de l’auteure
Annick De Houwer est directrice du Réseau de Bilinguisme Harmonieux HaBilNet et était présidente de l’Association Internationale pour l’Étude du Langage de l’Enfant, IASCL (2021-2024). Jusqu’à la fin de mars 2021, elle était professeure d'acquisition du langage et de bilinguisme à l'Université d'Erfurt, en Allemagne. Annick De Houwer étudie le thème du bilinguisme précoce depuis plus de quatre décennies. Ses publications sont utilisées comme matériel pédagogique dans les universités du monde entier. Dans ses conférences sur le développement bilingue harmonieux, elle s’adresse à des publics universitaires et non universitaires.
Jeunes enfants bilingues
Vous trouverez des estimations chiffrées de l'incidence du bilinguisme enfantin aux pages 4 et 5 de l'ouvrage d'Annick De Houwer (2021) sur le développement bilingue auprès des enfants entre 0 et 10 ans.
Téléchargements
Exemple 1 : une étude de cas autodéclarée (Dahoun 1995)
- À l’âge de 3 ans, Zerdalia commence à fréquenter une école maternelle francophone à Alger. Elle parle l’arabe à la maison. Lors de son premier jour à l’école maternelle, Zerdalia est choquée d’entendre sa maitresse mal prononcer son nom et de constater qu’elle ne comprend rien.
- Après une année passée à écouter en silence et à essayer de déchiffrer ce qui se passe, Zerdalia remarque que certains enfants reçoivent des bonbons après avoir dit quelque chose. Elle aussi veut des bonbons et pense avoir trouvé quelque chose à dire qui plaira à la maîtresse. Excitée, elle se lève et dit quelque chose, mais n’obtient qu’un regard froid en retour, pointant son siège, et pas de bonbon.
Exemple 2 : le cas de Smita (Drury 2007)
- Smita vit en Angleterre et entend le bengali à la maison. À l’âge de trois ans, elle s’exprime très bien en bengali. Elle est une enfant joyeuse qui s’entend bien avec les autres.
- À l’âge de trois ans et demi, Smita entre dans une école maternelle où l’on ne parle que l’anglais et où les autres langues sont totalement ignorées. Smita ne comprend pas l’anglais. Elle pleure tous les jours et ne veut pas aller à l’école. Elle semble déprimée à la maison, mais ses parents veulent qu’elle reste à l’école, où ils sont convaincus qu’elle apprendra l’anglais, qu’ils trouvent très important.
- À l’école, Smita ne parle pas du tout, même à l’âge de quatre ans et demi. À ce moment-là, elle est heureusement un peu plus heureuse à la maison et progresse très bien dans l’apprentissage du bengali. Smita raconte à ses parents qu’elle ne comprend rien de ce qu'il se dit à la crèche. Elle se contente d’imiter ce que font les autres enfants. Elle n’a pas d’ami(e)s à l’école.
- Lorsque Smita a cinq ans, son institutrice dit à ses parents que Smita ne pourra pas s’inscrire à l’école primaire car, dit-elle, Smita « ne parle pas ». L’institutrice ne sait rien des capacités de Smita en bengali et n’y a jamais montré un intérêt.
Les enfants comme Zerdalia et Smita entendent d’abord une langue familiale à la maison qui diffère de la langue de l’école (leur L1). Elles/ils n’ont pas l’occasion de commencer à apprendre la langue de l’école avant de commencer à fréquenter l’EPE. C’est ce qu’on appelle l'acquisition précoce d'une deuxième langue, ou L2P. Il faut un certain temps avant que les enfants L2P commencent à comprendre la langue de l’école. Certains enfants L2P commencent à la parler un peu après quelques mois seulement, mais nombreux sont ceux qui nécessitent beaucoup plus de temps. Bien que cette « période de silence » soit souvent considérée comme « normale » pour les enfants L2P, les exemples de Zerdalia et Smita montrent qu’elle peut être très traumatisante, certains enfants de 5 ans ayant passé la moitié de leur vie dans un silence déprimé à l’école maternelle. Il est évident que de telles périodes de silence prolongées doivent être évitées. J’aborde ci-dessous des moyens pour y parvenir.
Le fait que les enfants ne comprennent pas la langue de l’école n’est pas le seul problème. Les enfants ne sont pas non plus compris lorsqu’ils/elles parlent, ce qui signifie que leurs besoins les plus élémentaires (exprimer qu’ils ont besoin d’aller aux toilettes, par exemple, ou qu’elles se sentent malades) ne sont pas pris en compte. Il n’est donc pas surprenant que les enfants ne se sentent pas accepté(e)s et accueilli(e)s. Au contraire, elles/ils se sentent exclus(es). Ce sentiment de mise à l’écart ne contribue pas au bien-être socio-émotionnel. Pourtant, ce bien-être est d’une importance fondamentale pour l’apprentissage, en particulier dans la petite enfance. Les enfants ne peuvent développer leurs compétences sociales et communicatives, s’épanouir en tant que personne et s’engager activement dans l’apprentissage que si elles/ils se sentent bien entouré(e)s et accepté(e)s dans l’EPE. Un manque de bien-être affectera également l’apprentissage de la nouvelle langue utilisée à l’école maternelle, les enfants se repliant sur eux/elles-mêmes et évitant la communication, ce qui rend peu probable l’apprentissage rapide de la langue de l’école. En outre, si les enfants ne se sentent pas reconnu(e)s ou respecté(e)s pour leur(s) langue(s) maternelle(s), elles/ils risquent de ne pas être motivé(e)s pour apprendre la langue de l’école.
L’importance de toutes les langues familiales
La langue est un moyen de communication hautement symbolique qui a de nombreuses connotations émotionnelles. La langue est liée à l’identité culturelle et personnelle. Elle n’est jamais neutre. En rendant invisibles et inaudibles les langues familiales qui ne sont pas parlées à l’école, on leur donne implicitement moins de valeur que la langue scolaire. Pour les enfants 2L1, une partie de leur identité est ainsi ignorée, comme si une partie d’eux/elles n’existait pas. Pour les enfants L2P qui ne connaissent pas encore la langue de l’école, c’est toute leur identité qui est effacée. Si certain(e)s enfants supportent bien le fait que leur langue non scolaire soit limitée à la sphère familiale, d’autres réagissent par une perte d’estime de soi. Un sentiment peut naître, que l’on peut décrire comme suit : « Si vous ignorez ma langue, vous m’ignorez en tant que personne. Si vous rejetez ma langue, vous me rejetez. »
L2P et 2L1
La distinction entre L2P et 2L1 est particulièrement importante pour les enfants bilingues au cours des six premières années de leur vie. Pour en savoir plus, lisez l'ouvrage en français d'Annick De Houwer sur le développement bilingue dans l'enfance (2019).
Lisez ici
Comme indiqué précédemment, les enfants 2L1 qui entendent une langue scolaire comme l’une des deux langues ou plus parlées à la maison ont appris à comprendre la langue scolaire. Jusqu’à présent, il n’a pas été signalé que les enfants 2L1 rencontraient des difficultés avec la langue scolaire ou qu’ils/elles renonçaient à l’utiliser. Au contraire, elles/ils commencent souvent à refuser d’utiliser toute autre langue que celle de l’école à la maison, ce qui aide à expliquer qu'environ un enfant sur quatre élevé(e) dans deux langues à la maison ne parle que la langue de l'école *. L’une des principales raisons pour lesquelles les enfants rejettent les langues non scolaires peut être le fait que ces langues sont souvent totalement ignorées en EPE. Cela leur renvoie le message que leurs langues n’ont aucune valeur et que les parler n’a pas non plus de valeur. Les enfants ne souhaitent donc pas être identifié(e)s à ces langues et espèrent probablement accroître leur propre valeur en ne les parlant pas.
Perte de la langue
*Voici l’étude d’ A. De Houwer qui montre une perte massive de la langue d’une génération à l’autre dans le monde entier.
Lisez ici
Le fait que les enfants ne parlent plus une langue qu'ils entendent à la maison peut avoir de graves conséquences négatives sur la vie familiale. L'impact du refus des enfants d'utiliser une langue qu'au moins un parent parle avec eux est immédiat sur les parents, qui se sentent rejetés par leurs enfants, honteux que leurs enfants ne puissent plus communiquer avec leurs grands-parents dans le pays d'origine d'un parent, inquiets et déprimés. La communication parent-enfant peut devenir difficile et émotionnellement distante parce que les parents et les enfants ne parlent plus la même langue. Le développement continu d'une relation affective positive entre les enfants et les parents est compromis. À mesure que les enfants grandissent, les conversations profondes deviennent plus difficiles, voire impossibles, si les parents et les enfants communiquent chacun dans une langue différente. Le fait que les enfants ne parlent plus la ou les langues non scolaires nuit ainsi au bien-être des familles bilingues et des enfants.
Ces faits montrent que ce qui se passe dans l'EPE peut avoir des effets très négatifs sur les enfants dont la langue à la maison n'est pas la langue de l'école. Ces effets négatifs qui résultent du sentiment d'exclusion des enfants doivent être évités. Heureusement, il existe des moyens relativement simples et peu coûteux par lesquels TOUS les enfants de l'EPE peuvent se sentir inclus dès le début, quelle que soit leur origine linguistique. L'utilisation de ces méthodes fait partie de ce que j'appelle une approche respectueuse de la langue en EPE.
Pour que les enfants d’origines linguistiques diverses se sentent intégrés dans l’éducation de la petite enfance dès le départ, il est essentiel de prêter activement attention aux langues de tous les enfants et de leur témoigner du respect. Cette attitude montre que les langues des enfants sont prises en considération, au sens littéral du terme. Elle témoigne également d’une convivialité et d’une ouverture qui sont associées au terme « attentionné ». C’est pourquoi l’approche proposée ici est qualifiée d’approche respectueuse des langues. Dans le cadre d’une telle approche, tous les éducateurs reconnaissent explicitement et respectueusement que les enfants peuvent apporter de chez eux une langue autre que celle de l’école (en France, on parle aussi de « bientraitance linguistique »).
L’approche respectueuse vers toutes les langues est intégrée à l’utilisation quotidienne du langage dans l’EPE et ne constitue pas un programme d’enseignement spécial, séparé et difficile à apprendre. Elle peut être mise en œuvre immédiatement, sans formation supplémentaire (voir les recommandations dans l’encadré 1). Cependant, la faisabilité d’une approche respectueuse vers les langues dépend essentiellement de la volonté des éducateurs d’adopter une attitude ouverte à l’égard de TOUTES les langues que les enfants apportent à l’EPE et des cultures qui leur sont associées. Cela ne signifie pas que les éducateurs doivent connaitre ces langues. Cela ne signifie pas non plus que différentes langues sont proposées dans l’EPE. Dans le cadre d’une approche respectueuse des langues, l’attitude ouverte des éducateurs se traduit plutôt par des pratiques qui valorisent activement toutes les langues familiales des enfants. Grâce à ces pratiques, les enfants se sentent apprécié(e)s et accueilli(e)s, plutôt que rejeté(e)s.
Les pratiques décrites dans l’Encadré 1 feront en sorte que les enfants se sentent accueilli(e)s et qu’ils/elles n’aient pas l’impression que leur langue est ignorée. En même temps, ces pratiques renforceront la conscience linguistique de TOUS les enfants. La conscience linguistique est importante pour de nombreuses compétences scolaires, et en premier lieu pour l’apprentissage de la lecture et de l’écriture.
Conseils Encadré 1
Voici une liste sélective de ce que vous pouvez faire, en tant que membre du personnel de l’EPE, pour montrer activement votre intérêt et votre respect pour toutes les langues et tous les dialectes que les enfants apportent à l’EPE :
- Demandez à tous les parents s’ils parlent à la maison une autre langue que celle de l’école (ou un dialecte).
- Cela vous donnera des indications sur les antécédents linguistiques des enfants. Ne demandez pas aux parents de nommer la/les langue(s) qu’ils parlent à la maison – cette question pourrait être très délicate (dans certaines régions du monde, parler une langue particulière peut vous faire tuer). Si les parents identifient spontanément leur(s) langue(s) maternelle(s), tant mieux. Cette connaissance peut s’avérer utile plus tard.
- Essayez de prononcer correctement le nom des enfants.
- Vous pouvez demander aux parents comment se prononce le nom de leur enfant, l’enregistrer sur votre téléphone, l’écouter à la maison et essayer de le répéter. Lorsque vous essayez ensuite de le prononcer devant les parents et l’enfant, demandez aux parents si vous avez bien compris. Si vous sentez que les parents ne sont pas tout à fait enthousiastes, faites un nouvel enregistrement et essayez à nouveau, jusqu’à ce que vous y parveniez. Les noms sont une partie importante de l’identité des enfants. Ne leur donnez pas un autre nom en le prononçant mal.
- Essayez d’apprendre à dire « bonjour », « merci », « au revoir », « désolé(e) » dans toutes les langues (et dialectes !) représentées dans le groupe et essayez d’enseigner à TOUS les enfants TOUTES ces versions. Une fois de plus, enregistrez les interprétations de ces mots par les parents et entraînez-vous ! (Il n’est pas nécessaire de connaitre les noms des langues ou des dialectes – assurez-vous simplement de combiner les bons mots avec le bon enfant).
- Faites de même pour les noms de couleurs et les chiffres de 1 à 5 et demandez aux enfants de traduire entre la langue de l’école et toute autre langue ou dialecte présent dans le groupe (dans les deux sens !).
- Dites aux enfants que c’est vraiment bien qu’elles/ils connaissent le turc, le portugais, le russe ou toute autre langue ou dialecte, y compris la langue de l’école !
- En disant cela, vous montrerez aux enfants que toutes les langues sont aussi importantes les unes que les autres.
- Dites aux enfants que vous êtes désolé(e) de ne pas pouvoir parler comme leurs parents.
- Veillez à couvrir TOUTES les langues et TOUS les dialectes que votre groupe d’enfants apporte en classe.
Conseils Encadré 2
Voici une liste sélective de ce que vous pouvez mettre en œuvre, en tant que personnel de l’EPE, pour aider les enfants qui ne comprennent pas la langue de l’école lorsqu’ils arrivent à la crèche ou à l’école maternelle.
- Utilisez le langage corporel et les expressions faciales pour entrer en contact avec les jeunes enfants qui ne comprennent pas encore la langue de l’école.
- Apprenez quelques mots clés dans la langue maternelle de l’enfant (par exemple, pour parler des besoins de la salle de bain, de la douleur, du malaise). Vous pouvez le faire en demandant aux parents « comment dites-vous cela dans votre langue ou dialecte ? » (voire aussi Conseils Encadré 1).
- Veillez à sourire beaucoup et à passer du temps avec les enfants seuls, dans le cadre d’ interactions individuelles, où vous pouvez parcourir des livres d’images simples, nommer les images dans la langue de l’école et demander aux enfants comment ils nomment les objets et les actions qui s’y trouvent (vous devrez demander avec beaucoup de communication non verbale claire en pointant du doigt).
- Faites appel à des enfants bilingues plus âgés pour aider à la traduction, en particulier lorsque cela semble très important et que le/la nouvel(le) enfant est contrarié(e).
- Utilisez une application de traduction sur votre téléphone qui pourrait vous aider à comprendre les nouveaux enfants, et qui pourrait aider les nouveaux enfants à vous comprendre.
Conseils Encadré 3
Voici une liste sélective de ce que vous pouvez faire, en tant que personnel de l’EPE, pour soutenir le développement de la langue scolaire pour TOUS les enfants. Vous pourriez…
- parler clairement et distinctement
- utiliser le contexte et les images de manière appropriée pour enseigner aux enfants de nouveaux mots et de nouvelles phrases
- répondre aux questions des enfants
- répondre favorablement à ce que dit un enfant, quelle que soit la langue dans laquelle elle/il s’exprime
- donner aux enfants le temps dont ils/elles ont besoin pour former une phrase par elles/eux-mêmes, plutôt que de parler « pour » les enfants, c’est-à-dire à leur place. Ne les pressez pas.
- veillez à avoir des interactions individuelles d’au moins 5 minutes avec chaque enfant chaque jour.
Conseils Encadré 4 Voici ce que vous pouvez faire pour aider le personnel à établir des passerelles entre la(les) langue(s) parlée(s) par les enfants à la maison et la langue de l’école :
- sur la base des informations fournies par les parents, commencez à constituer une archive multilingue (donc, des listes de mots et expressions clés dans les langues parlées par les familles) dans votre institution, facilement accessible à l’ensemble du personnel. Les mots et expressions de base aideront le personnel avec d’autres nouveaux enfants, mais il y a plus… :
- parlez de ces archives. Cela donne plus de valeur aux langues et aux dialectes qui s’y retrouvent. Traiter les parents comme des experts leur confère une plus grande valeur.
- en s’appuyant sur les archives, on peut apprendre aux enfants de nouveaux mots dans la langue de l’école qu’ils connaissent déjà dans leur autre langue.
Enfin, il est essentiel de rappeler qu’une langue s’épanouit au sein d’une communauté. Dans votre établissement, efforcez-vous de cultiver une communauté en développant des relations solides avec tous les parents. L’objectif est d’aller au-delà d’une simple sollicitation pour obtenir des mots ou des expressions.
…pour que vous puissiez soutenir les parents
…et que les parents vous soutiennent !
Conseils Encadré 5
Voici quelques idées de renforcement de la communauté qui s’inscrivent dans le cadre d’une approche respectueuse vers des langues et qui profiteront à TOUS les enfants. Vous pourriez…
- présenter votre établissement comme un établissement ouvert qui accueille les parents (de préférence à des heures régulières et prédéfinies)
- demander aux parents de vous aider à décorer les salles de classe et les couloirs avec des objets significatifs pour leurs cultures
- demandez aux parents d’apporter des CDs ou de partager des listes pour écouter des musiques pour enfants liées à leurs régions d’origine
- inviter les (grands-)parents à venir passer quelques heures dans la classe pour chanter dans leurs langues ou lire des livres dans leurs langues
- organiser des activités interculturelles avec l’aide des parents et des enfants
- organiser des semaines thématiques interculturelles
- organiser des petits-déjeuners informels pour tout le monde avec la contribution des parents et du personnel
Conclusion
Une attitude respectueuse et valorisante de la diversité linguistique par les éducateurs apporte de nombreux bénéfices: elle enseigne aux enfants que toutes les langues ont une valeur égale et démontre que chaque enfant est capable d’apprendre plusieurs langues. L’ouverture que les enfants ressentiront dans l’éducation précoce à l’égard de leur langue familiale ne peut que favoriser leur ouverture à l’égard de la langue de l’école et faciliter ainsi son apprentissage. Si la crèche ou l’école maternelle accueille activement des parents de toutes origines et les reconnaît comme des experts de leurs langues plutôt que comme des locuteurs décevants de la langue de l’école, les parents commenceront à se sentir lié(e)s à l’institution éducative et à s’y intéresser davantage. Cela peut jeter les bases d’un intérêt continu des parents pour l’expérience scolaire de leurs enfants, ce qui est si important pour le bien-être et la réussite scolaire des enfants.
Une éducation précoce ouverte au bilinguisme ne nécessite pas d'investissements coûteux mais plutôt une attitude respectueuse et positive à l’égard de toutes les langues et de tous les dialectes que les enfants apportent à la crèche ou à l’école maternelle. Une telle attitude de respect et d'appréciation de la part du personnel de l’éducation préscolaire contribuera au bien-être des enfants bilingues et favorisera l’éveil aux langues de tous les enfants.
Griffbereit
Découvrez ici un projet mené aux Pays-Bas et en Allemagne qui a réussi à renforcer la communauté dans le domaine de l’éducation préscolaire. Les parents qui ont participé à ce projet de « sac à dos » ont montré un intérêt accru pour l’école maternelle, et l’interaction entre parents et enfants à la maison s’est nettement améliorée.
Site Web
Language Friendly Schools
Heureusement, de plus en plus d’écoles reconnaissent l’importance d’une approche respectueuse des langues de tous les enfants. L’initiative « Language Friendly School » est particulièrement remarquable.
Site Web